Didier Berberat
Conseiller aux Etats

Contribution de la Commission de l'éducation, de la communication et des affaires culturelles par M. Didier Berberat, rapporteur

A) LES ACTIONS EN FAVEUR DE L’ÉDUCATION ET DE LA FORMATION

La Déclaration de Ouagadougou (2004) instaurant le Cadre stratégique décennal de la Francophonie a fait de l’éducation et de la formation deux fondements essentiels du développement durable. Sur dix ans, l’objectif de la Francophonie, dans une perspective de coopération pour le développement, est de recentrer les systèmes éducatifs des pays en développement sur l’insertion des jeunes, et des jeunes filles en particulier, dans la vie sociale et professionnelle et sur l’adéquation entre formation et emploi. Afin d’atteindre ces objectifs, les chefs d’État et de gouvernement se sont engagés à relever les taux de scolarisation par des politiques d’éducation et de formation fondées sur les valeurs d’égalité d’accès, de solidarité et de tolérance. Dans ce but,27un appel a été lancé pour accroître les budgets de l’éducation nationale et les aides au développement bilatérales et multilatérales afin de permettre l’accès pour tous à un enseignement primaire, obligatoire, gratuit et de qualité. Au plan de l’enseignement supérieur, il était prévu que la coopération francophone vise à généraliser les nouvelles technologies – en particulier en réduisant la fracture numérique –, à faciliter la mobilité des universitaires et des étudiants, à développer l’enseignement à distance et à favoriser l’émergence de pôles d’excellence scientifiques et technologiques. Enfin, les chefs d’État et de gouvernement s’étaient engagés à favoriser la promotion de la langue française en éducation et comme langue de recherche et de sciences, tout en développant les langues partenaires.

En adoptant l’ensemble de ces objectifs, ils ont répondu aux attentes de l’Assemblée parlementaire de la Francophonie contenues dans l’Avis présenté lors du Xe Sommet de la Francophonie.

Quatre années se sont écoulées depuis le Sommet de Ouagadougou et l’examen de la Mission C de la Programmation quadriennale de l’OIF (2006-2009) permet de constater que l’OIF a répondu à ces différents objectifs en définissant deux objectifs stratégiques principaux :

– assurer l’accès de tous les enfants à un cycle complet d’études primaires en éliminant les disparités entre les sexes ;

– favoriser l’enseignement, la formation et la recherche orientés vers le développement de l’emploi.

Différents programmes ont été mis en œuvre. En ce qui concerne le premier objectif stratégique, des programmes ont été créés comme l’éducation pour tous d’ici 2012, l’éducation bilingue, l’égalité garçons-filles en matière de scolarisation, l’édition scolaire et la formation des enseignants et des cadres scolaires. En ce qui concerne le second objectif, des programmes de formation professionnelle et technique et des programmes destinés aux exclus du système scolaire ont été mis en place. L’Assemblée parlementaire de la Francophonie note le caractère judicieux des programmes mis en place, mais ne peut se prononcer sur les résultats obtenus.

Vraisemblablement, l’objectif de l’éducation pour tous ne sera pas atteint en 2012, pas même en 2015, au vu de la pression démographique en Afrique et des immenses efforts financiers nécessaires, même si certains pays, d’Afrique du Nord en particulier, semblent sur la bonne voie. Compte tenu de la situation politique et sécuritaire de nombreux pays francophones d’Afrique, contraints par ailleurs par les besoins nés de la crise alimentaire, de la désertification, de la déforestation, et de l’explosion démographique notamment, l’éducation pour tous devra rester un objectif majeur de la Francophonie pour plusieurs années encore : dans certains pays, le taux d’analphabétisme peut atteindre jusqu’à 60%.

L’éducation bilingue, parce qu’elle correspond aux objectifs de la Francophonie en faveur de la diversité linguistique et culturelle, parce qu’elle s’inscrit dans le mouvement en faveur de la protection des langues menacées, et parce qu’elle s’appuie sur des fondements pédagogiques solides, est un objectif légitime. Des projets pilotes ont été menés dans ce domaine par l’OIF, mais ils ont été parfois abandonnés faute de fonds. L’Assemblée parlementaire de la Francophonie constate que l’enseignement bilingue est l’objet de réticences de la part de certains États et des parents eux-mêmes et suggère que l’OIF module ses programmes en la matière en respectant la volonté des États concernés.

En ce qui concerne l’égalité hommes-femmes en matière de scolarisation, de nombreux progrès demeurent à faire car si les taux globaux de scolarisation en Francophonie africaine ont augmenté, il n’en va pas de même pour les taux de parité de scolarisation. L’Assemblée parlementaire de la Francophonie encourage l’OIF et les pays concernés à poursuivre dans la voie de l’égalité garçons-filles en matière de scolarisation et de lutte contre les stéréotypes et discriminations liés au genre, en mettant davantage l’accent sur des actions sur le terrain, au détriment des ateliers et autres symposiums.

L’Assemblée parlementaire de la Francophonie tient à souligner les efforts de l’OIF en faveur des exclus du système scolaire et l’encourage à développer des programmes en faveur de l’éducation non-formelle et de l’éducation de la deuxième chance pour ceux et celles qui n’ont pu intégrer l’école vers 6-7 ans. L’édition de manuels scolaires adaptés aux élèves africains est un objectif pédagogique louable qui s’inscrit dans le respect des cultures et identités nationales. Au vu du déclin du livre scolaire dans les pays francophones du Nord et de son remplacement par des outils pédagogiques différents (reproductions, nouvelles technologies...), la question se pose de savoir s’il faut poursuivre dans cette voie ou insister davantage et consacrer plus de ressources à la résorption de la fracture numérique.

L’Assemblée parlementaire de la Francophonie appuie sans réserve les actions de l’OIF en faveur de la formation professionnelle et technique dans les pays francophones du Sud, consciente que cet objectif se heurte encore à des préjugés tenaces plus favorables au concept d’ « études classiques », et alors que l’Afrique s’industrialise et se mécanise de plus en plus à la différence des pays du Nord. Plus d’efforts doivent être consacrés sur les plans bilatéral et multilatéral à la création d’une culture entrepreneuriale en Afrique et la formation professionnelle et technique doit viser la création d’emplois et reposer sur les besoins économiques spécifiques à chaque pays. L'OIF devrait encourager des projets tripartites Nord-Sud-Sud en matière d'éducation et de formation qui pourraient s'avérer moins coûteux et qui mettraient en valeur les réussites obtenues dans ces domaines par certains des pays francophones du Sud.

L’Assemblée parlementaire de la Francophonie est consciente que l’éducation et la formation relèvent avant tout des États nationaux et que l’OIF n’a pas vocation à se substituer à eux pour mettre en place des programmes en la matière. L’OIF n’est pas non plus un bailleur de fonds en matière d’éducation et de formation et elle doit s’appuyer encore davantage sur des partenariats avec des organisations comme l’UNESCO, la CONFEMEN, la Banque mondiale et l’AUF pour atteindre ses objectifs. Mais l’Assemblée parlementaire de la Francophonie considère que, compte tenu des besoins, les ressources budgétaires de l’OIF consacrées à cette importante mission, bien qu’augmentées en 2008 (7,9 millions d’euros) sont nettement insuffisantes et appelle les chefs d’État et de gouvernement à augmenter sensiblement leur contribution financière.

L’Assemblée parlementaire de la Francophonie constate enfin qu’une partie importante des sommes engagées dans la Mission C est consacrée à l’administration, à l’organisation d’événements internationaux (séminaires, colloques, ateliers), voire à l’engagement coûteux de consultants, au détriment d’actions sur le terrain et souhaite un réajustement des programmes et de leur administration en conséquence.

L’Assemblée parlementaire de la Francophonie souhaiterait également que l’OIF puisse étayer la poursuite de ses programmes sur des analyses de résultats. Enfin, l’Assemblée parlementaire de la Francophonie souhaiterait que les parlementaires soient dûment informés des actions menées en matière d’éducation et de formation dans les pays concernés.

Texte complet de l'avis de APF