Didier Berberat
Conseiller aux Etats

05.3044 - Interpellation

Déposé par : Didier Berberat
Date de dépôt : 03.03.2005
Déposé au : Conseil national
Etat actuel : Liquidé


Texte déposé :

Je prie le Conseil fédéral de bien vouloir faire connaître son appréciation du fonctionnement actuel de la commission tripartite fédérale chargée d'observer le marché suisse du travail dans le cadre des mesures d'accompagnement de l'accord bilatéral sur la libre circulation des personnes. En particulier, le Conseil fédéral voudra bien indiquer s'il estime que la coopération entre la commission tripartite de la Confédération et celles mises en place par les cantons est suffisante. En outre, le Conseil fédéral ne pense-t-il pas que la commission tripartite fédérale devrait indiquer à ses homologues cantonales quelle méthode doit être retenue pour calculer les salaires usuels et définir de manière plus précise la notion de « sous-enchère abusive et répétée » avant que des pratiques et définitions fort différentes ne soient adoptées dans les différents cantons ?


Développement :

Dans le cadre des mesures d'accompagnement de l'accord bilatéral sur la libre circulation des personnes, des commissions tripartites chargées notamment d'observer le marché du travail ont été créées tant au niveau des cantons que sur le plan fédéral. Ces commissions peuvent, entre autres, recommander aux autorités compétentes d'étendre avec force obligatoire des conventions collectives de travail ou d'édicter des contrats-types de travail dans une branche économique ou une profession dans laquelle elles constatent l'existence d'une sous-enchère abusive et répétée des salaires usuels. Depuis le 1er juin 2004, les contrôles du salaire et des conditions de travail qui étaient pratiqués systématiquement lors de la demande d'un permis de travail pour un travailleur étranger en Suisse ont été supprimés pour les ressortissants de l'Union européenne. C?est pour éviter les cas de dumping salarial qu'une surveillance du marché du travail par des commissions tripartites a été instaurée à partir de la même date. Le problème majeur rencontré par ces commissions est qu'il n'existe actuellement aucune unité de doctrine quant à la notion de « sous-enchère abusive et répétée » des salaires usuels. Afin de déterminer s'il existe ou non un cas de dumping salarial, il faut tout d'abord connaître le salaire usuel en vigueur dans une branche économique ou une profession. Or, différentes méthodes pour calculer ce salaire existent, chacune ayant son lot de partisans et de détracteurs. A partir du moment où le salaire usuel est déterminé, il convient encore de préciser à partir de quel moment le salaire effectif s'écarte suffisamment du salaire de référence pour que l'on puisse considérer qu'il existe un cas de sous-enchère abusive. Ainsi, on constate aujourd'hui, dans plusieurs branches au sein desquelles il existe une convention collective de travail fixant un salaire minimum, que les salaires pratiqués ont tendance à se rapprocher du minimum conventionnel. Bien que de tels salaires respectent les normes de la convention collective, le fait qu'ils diminuent constitue-t-il un cas de sous-enchère pouvant être jugée abusive ? En outre, à partir de combien de cas de sous-enchère constatés une commission tripartite peut-elle recommander l'extension d'une convention collective de travail ou l'édiction d'un contrat-type de travail ? Les commissions tripartites de la Confédération et des cantons ont aujourd'hui l'obligation de répondre à ces questions afin de pouvoir accomplir la mission que leur a confiée le législateur avec l'accord des partenaires sociaux. Or, selon de nombreux témoignages, il apparaît qu'il n'existe à ce jour qu'une collaboration très limitée entre ces différentes commissions et que le risque est grand que des réponses très différentes soient apportées aux questions susmentionnées. Ainsi, des pratiques fort diverses pourraient se développer sur le plan fédéral et dans les différents cantons, ce qui n'est souhaitable ni d'un point de vue politique, social ou économique. Dans ce contexte, la commission tripartite de la Confédération a un rôle important à jouer. A nos yeux, c?est en effet à elle que revient la tâche, si ce n'est de décider elle-même des définitions et méthodes qu'il convient d'adopter, du moins de coordonner et si possible d'unifier les pratiques des commissions cantonales. Cette nécessaire collaboration entre les commissions tripartites ainsi que le rôle moteur que doit jouer la commission fédérale ressortent d'ailleurs de l'article 13 de l'Ordonnance sur les travailleurs détachés en Suisse du 21 mai 2003. Il nous semble essentiel que des efforts importants soient rapidement entrepris sur ce point par la Confédération afin que les mesures d'accompagnement de la libre circulation des personnes puissent être pleinement efficaces. En l'absence d'une meilleure collaboration et d'une coordination plus énergétique entre les commissions tripartites, la lutte contre le dumping salarial restera en grande partie illusoire. Or, entre autres conséquences fâcheuses, cela suscite dans la population le scepticisme quant à l'efficacité des mesures d'accompagnement et pourrait même conduire à un rejet par le peuple de l'extension de l'accord bilatéral sur la libre circulation des personnes aux dix nouveaux Etats de l'Union européenne, ce qui remettrait en cause l'ensemble du premier paquet d'accords conclus entre la Suisse et l'UE.


Réponse du Conseil fédéral (11.05.2005) :

Dans le cadre des mesures d'accompagnement à la libre circulation des personnes, le Parlement a décidé de mettre en place des commissions tripartites cantonales afin de tenir compte de la diversité des réalités régionales. De même, et en raison de la pluralité des situations de sous-enchère possibles sur le terrain, le Parlement a décidé de renoncer à ancrer une définition de la sous-enchère dans la loi. Il a été considéré, à juste titre, que cette notion faisait appel tant à des éléments économiques, sociaux que politiques et que, par conséquent, il convenait de laisser le soin à chaque commission d'examiner au cas par cas les situations qu'elle jugerait délicates. En ce qui concerne les méthodes tendant à la détermination des salaires usuels, la Confédération s'efforce, en collaboration avec l'Association suisse des offices du travail (AOST), d'assurer une coordination entre les cantons. Il n'est toutefois pas possible d'empêcher l'émergence de diverses méthodes développées à titre privé par différents instituts universitaires. Au surplus, l'Office fédéral de la statistique a développé une méthode descriptive se fondant sur une utilisation directe des données de l'enquête suisse sur les salaires qui est actuellement en phase de test et qui sera mise à disposition des cantons dès mi-mai 2005. Au moyen d'une application électronique, il sera possible pour tous les cantons d'obtenir un salaire statistique de référence en fonction de critères multiples (professions, niveau d'exigence du poste, âge de la personne, taille de l'entreprise, etc.). Les cantons obtiendront, pour chaque profil souhaité, un salaire médian ainsi qu'une courbe marquant la dispersion des salaires observés pour le profil requis, et ce pour leur canton, pour les sept grandes régions statistiques et pour la Suisse. Tant en vertu de l'article 360b CO que des dispositions d'exécution contenues dans l'ordonnance sur les travailleurs détachés (art. 10 à 13 Odét), les commissions tripartites cantonales, d'une part, et la commission tripartite fédérale, d'autre part, ont été placées sur un pied d'égalité. La commission tripartite fédérale ne dispose pas d'un droit de directive sur les organes cantonaux. L'article 13 incite ces différentes autorités à collaborer entre elles et à coordonner leurs activités, y compris avec les commissions paritaires. Cette coordination intervient à différents niveaux: au sein d'un canton entre organes tripartite et paritaires, au niveau régional entre commissions tripartites de plusieurs cantons et au sein de la commission tripartite fédérale où les cantons et principaux partenaires sociaux sont représentés. Comme le souligne le rapport du SECO du 1er avril 2005 sur la mise en oeuvre des mesures d'accompagnement à la libre circulation des personnes pour la période du 1er juin 2004 au 31 décembre 2004, les principales difficultés constatées ont été celles liées à la coordination au sein des cantons entre organes paritaires et autorités cantonales. Pour le surplus, le Conseil fédéral est de l'avis que la collaboration entre commissions tripartites cantonales et organes fédéraux est bonne. Il considère que d'une façon générale les quelques problèmes initiaux rencontrés étaient propres à la mise sur pied de toute nouvelle structure et ont pu se régler. La Confédération ne ménage pas ses efforts pour favoriser cette nécessaire coordination entre organes cantonaux. Ainsi, le SECO, qui est l'autorité fédérale compétente et qui gère le secrétariat de la commission tripartite fédérale, entretient des contacts aussi intenses que réguliers avec les cantons, que ce soit au niveau individuel ou par le biais d'organismes intercantonaux (tels que, notamment, la Conférence des chefs de département de l'économie publique ou l'AOST). Par ailleurs, dès le mois d'octobre 2004, un groupe de travail réunissant des représentants des cantons, des partenaires sociaux et des offices fédéraux concernés a été institué sous l'égide du SECO. Ce groupe de travail a pour objectif d'apporter rapidement des réponses à des questions concrètes liées à l'application des mesures d'accompagnement afin d'en garantir une mise en oeuvre efficace. Enfin, le SECO organise actuellement une rencontre de tous les secrétaires des commissions tripartites qui aura lieu ce printemps encore dans le but de permettre des échanges d'information et un partage sur les expériences faites et les pratiques qui se sont développées. Parallèlement, un site Internet offrant un forum de discussion est en phase d'achèvement et sera mis à disposition des cantons ces prochaines semaines. Il s'agit par ce biais de disposer d'un outil de communication rapide et souple au moyen duquel, d'une part, l'autorité fédérale peut adresser aux cantons ou recevoir de ceux-ci dans de brefs délais diverses informations et, d'autre part, qui doit permettre aux cantons entre eux de se poser réciproquement des questions, de faire état d'observations ou de s'informer de façon simple et informelle sur les pratiques des uns et des autres. Sur des questions précises, telles celles soulevées dans l'interpellation (nombre d'abus pour qu'on puisse considérer qu'il y a répétition, évaluation de la situation en présence d'une convention collective de travail, etc.), le SECO a organisé des cours de formation à l'intention des membres des commissions tripartites et des autorités cantonales. Dans ce cadre, ces questions ont été largement discutées. L'ensemble de cette documentation est disponible sur le site Internet du SECO (http://www.seco.admin.ch/themen/arbeit/seiten/00115/index.html?lang=fr)


Déclaration auteur/auteurs :

partiellement satisfait


Bulletin officiel - les procès-verbaux


Compétence :

Département de l'économie

Cosignataires :

Banga Boris - Cuche Fernand - Daguet André - Dormond Béguelin Marlyse - Dupraz John - Fehr Hans-Jürg - Garbani Valérie - Heim Bea - Hubmann Vreni - Huguenin Marianne -Jutzet Erwin - Kiener Nellen Margret - Kohler Pierre - Levrat Christian - Maury Pasquier Liliane - Menétrey-Savary Anne-Catherine - Nordmann Roger - Rechsteiner Rudolf - Recordon Luc - Rennwald Jean-Claude - Rey Jean-Noël - Robbiani Meinrado - Salvi Pierre - Savary Géraldine - Schenker Silvia - Sommaruga Carlo - Stöckli Hans - Thanei Anita - Zisyadis Josef (29)