Didier Berberat
Conseiller aux Etats

La réforme de l’imposition des entreprises II sera un des deux objets de la votation fédérale du 24 février 2008. Elle projette, d’une manière à nouveau inéquitable, de ne taxer qu’à 60% les revenus (dividendes) des gros actionnaires. Pour l’équité fiscale entre les individus et pour éviter 30 millions de perte pour le canton et les communes, il est primordial de la refuser.

La votation fédérale du 24 février 2008 va parachever la réforme de l’imposition des sociétés débutée en 1997. Cette réforme de la fiscalité des entreprises prévoit d’atténuer la charge fiscale de tout actionnaire qui détient 10% ou plus d’une société de capitaux. Les entreprises paient aujourd’hui l’impôt fédéral et cantonal sur le bénéfice et les actionnaires paient l’impôt sur le revenu pour les dividendes qu’ils perçoivent. La réforme propose que les dividendes ne soient plus imposés qu’à 60%. Les entreprises suisses, en comparaison internationale, vivent déjà une situation favorable au niveau de la fiscalité. Or, pourquoi les actionnaires devraient-ils être seulement taxés sur le 60% des dividendes alors que les salariés et les rentiers paient les impôts sur la totalité de leurs revenus ? Pourquoi la Suisse devrait-elle être inéquitable en offrant une fois de plus des cadeaux fiscaux aux gros actionnaires et aux personnes fortunées ?

Ce qui découle de cette réforme…

L’actionnaire ne sera imposé que sur le 60% du dividende qu’il prélèvera dans la société alors qu’un salarié est imposé à 100% sur son salaire (comme le rentier, sur sa rente). Cela va encourager les actionnaires à prélever du dividende plutôt que du salaire. Or, les salaires sont notamment soumis à l’AVS alors que les dividendes ne le sont pas. L’AVS va donc se trouver dans de graves difficultés et enregistrera un manque de 150 millions de francs sans parler de l’AI et d’autres assurances sociales!

En versant davantage de dividendes, les entreprises auront moins de réserves en basse conjoncture ce qui représente une menace sur l’emploi. Qui peut savoir où les actionnaires investiront alors leur argent ? En Suisse ou à l’étranger où le rendement sera plus élevé ?

Seules les grandes sociétés anonymes rentables seront privilégiées. Les PME et les personnes indépendantes seront toujours taxées sur la totalité de leurs revenus.

Un décalage injuste entre actionnaire et salarié/rentier

Imaginons un salarié et un actionnaire dans le canton de Neuchâtel (sous réserve que la loi fiscale cantonale soit modifiée pour s'adapter aux dispositions fédérales en retenant un allégement identique, ce qui est prévu dans la loi d'harmonisation fiscale)… L’un reçoit un salaire net de Fr. 100'000.- annuel et l’actionnaire ne prélevant pas de salaire est rémunéré par un dividende de Fr. 100'000.- Non seulement le salarié aura cotisé aux assurances sociales (AVS, AI, Assurance chômage,…) et participé à l’effort de la collectivité mais il paiera un impôt sur le 100% de son salaire, soit un impôt d’environ Fr. 27’000.- L’actionnaire, lui, ne sera imposé que sur le 60% de son dividende, soit sur Fr. 60'000.-, c’est-à-dire un impôt d’environ Fr. 12'500.- Il est vrai que la société aura déjà payé un impôt sur le bénéfice (cet impôt ayant tendance à se réduire comme peau de chagrin en Suisse) ayant permis le versement du dividende mais la différence entre l'actionnaire et le salarié est tout de même très significative !

En conclusion, cet allégement de la fiscalité concernant les 8’400 gros actionnaires de notre pays est nuisible. La Constitution fédérale précise par ailleurs que chaque contribuable doit participer à l’effort fiscal selon sa capacité économique. Or, les salaires, les rentes et les dividendes doivent être traitées de manière identique pour ne pas créer d’inégalité de traitement. Par équité, il est juste que chacun contribue de manière semblable sur le plan fiscal. Nous dirons donc Non aux impôts injustes et à de nouveaux cadeaux fiscaux ! Non à la réforme de l’imposition des entreprises le 24 février prochain !

Didier Berberat, Conseiller national