Didier Berberat
Conseiller aux Etats

08.3136 - Motion

Déposé par : Didier Berberat
Date de dépôt : 19.03.2008
Déposé au : Conseil national
Etat actuel : Pas encore traité


Texte déposé :

Le Conseil fédéral est chargé de faire en sorte que la problématique de l'assistance au droit de mourir soit introduite dans le cursus de formation en Faculté de médecine, ainsi que dans celui des écoles d'infirmières, en tant qu'objectif d'études complémentaire à celui des soins palliatifs.


Développement :

Le 20 juin 2003, la Conseillère nationale Anne-Catherine Menétrey a déposé sur ce sujet la motion 03.3405, qui n'a pas pu être traitée dans les délais par les Chambres et qui a donc été classée. Depuis plusieurs années, des enquêtes ont montré qu'une grande partie de la population suisse est favorable au droit de mourir et à l'assistance au suicide.

En 2004, l'Académie Suisse des Sciences Médicales a fait un premier pas, encore insuffisant, vers l'autodétermination du patient. Elle rappelle que, d'une part l'assistance au suicide ne fait pas partie de l'activité médicale car le médecin est tenu d'utiliser ses compétences médicales dans le but de soigner, soulager et accompagner. Mais d'autre part, il doit tenir compte de la volonté du patient; ce qui peut signifier que la décision morale et personnelle du médecin d'apporter une aide au suicide à un patient mourant, dans certains cas particuliers, doit être respectée. Une assistance au suicide est une prise en charge difficile et qui ne s'improvise pas. Elle demande un savoir-faire et un savoir-être qui nécessitent une expérience particulière. Même si les demandes d'assistance au suicide sont rares, on leur oppose fréquemment et même parfois exclusivement les soins palliatifs. Or, ils sont une option pour le patient, mais jamais une obligation, d'autant plus qu'ils ne parviennent pas toujours à soulager la personne de ses souffrances physiques et psychiques.

Si ce droit à la vie demeure fondamental, le droit de mourir dans la dignité l'est également, comme le Tribunal fédéral l'a reconnu dans son arrêt du 3 novembre 2006 (ATF 133 I 58ss). On constate par ailleurs une évolution dans la mentalité de la population, qui est de plus en plus ouverte à la possibilité de laisser au mourant le choix de sa fin de vie quand les circonstances lui deviennent extrêmement pénibles.

Les soignants sont embarrassés et démunis face à une demande d'assistance au suicide. Ils se sentent remis en question comme si la mort d'un patient était pour eux un échec personnel et la marque de leur impuissance à sauver les gens. Le tabou de la mort "naturelle" l'emporte alors sur l'acceptation de la volonté et du choix personnel du patient.

Il est connu par expérience que, lorsque des malades demandent une assistance au suicide qui est acceptée par des personnes compétentes et de confiance, la plupart d'entre eux sont déjà soulagés et rassurés de ce seul fait. Une petite minorité demande finalement de passer à l'acte.

Les soignants ont déjà dû apprendre à renoncer à l'acharnement thérapeutique et à la poursuite des soins contre la volonté du patient. Il importe maintenant qu'ils acquièrent dans le cadre de leur formation médicale ou infirmière toute l'information et les connaissances nécessaires à une pratique transparente de l'assistance au suicide.

La participation à cet enseignement sera obligatoire. Toutefois, dans la vie professionnelle, la clause de conscience du soignant sera respectée.


Réponse du Conseil fédéral (21.05.2008) :

Eu égard au débat public concernant les conditions de traitement et d'accompagnement des personnes gravement malades en fin de vie, la motion soulève une importante question sociale. La proposition d'intégrer la thématique de l'assistance au suicide dans la formation universitaire et postgrade des futurs médecins et dans le cursus du personnel soignant n'est pas nouvelle. En effet, le rapport du Conseil fédéral intitulé "Assistance au décès et médecine palliative: la Confédération doit-elle légiférer?", du 24 avril 2006, recommandait déjà d'introduire cette thématique dans la formation universitaire et postgrade, au titre de fondement éthique. Il est en effet important que les professionnels soient mieux préparés aux situations particulières surgissant en fin de vie et aux demandes qui y sont associées. Cependant, ces démarches ne peuvent s'inscrire que dans le contexte des soins palliatifs et non dans l'assistance au suicide. Depuis le 1er septembre 2007, la loi sur les professions médicales (LPMéd, RS 811.11) constitue la base légale de référence pour la formation universitaire et postgrade des professions médicales universitaires. Dans le cadre de cette réglementation, le législateur a tenu compte du traitement et de l'accompagnement à dispenser aux patients en fin de vie. Il admet de façon explicite que la médecine palliative constitue la manière digne de soigner et d'accompagner les patients tout au long d'une maladie incurable et évolutive. De plus, un recours aux soins palliatifs et un accompagnement qualifié contribuent à réduire de manière significative les demandes d'aide au suicide. Conformément aux objectifs fixés dans la loi, la formation universitaire doit fournir les bases scientifiques nécessaires pour prendre des mesures préventives, diagnostiques, thérapeutiques, palliatives et de réhabilitation. Elle doit, en outre, rendre les futurs médecins aptes à prodiguer des soins complets à leurs patients et à encadrer leurs proches tout en tenant compte des facteurs de nature psychique, sociale, juridique, culturelle et éthique. A noter également, à cet égard, les objectifs visant l'aptitude à collaborer avec d'autres professionnels de la santé. En effet, fournir des soins de qualité à un patient en fin de vie exige un travail de collaboration interprofessionnelle. Le droit à l'autodétermination et la dignité des patients doivent être respectés dans le cadre d'un traitement. La formation universitaire et postgrade a pour rôle de sensibiliser les professionnels à ces questions et de leur permettre d'y répondre. Les objectifs de la formation universitaire ont été intégrés dans le nouveau catalogue suisse des objectifs de formation de la médecine humaine. Ce dernier aura dès mi-2008 force obligatoire dans toutes les facultés de Suisse et il remplacera l'ancien catalogue. Conformément aux prescriptions de la LPMéd, les objectifs susmentionnés doivent être approfondis durant la formation de spécialiste. Selon la répartition actuelle des compétences, c'est l'association professionnelle qui est chargée de déterminer les contenus de la formation postgrade correspondante. La Confédération assume sa responsabilité, en insistant auprès des comités responsables sur l'importance de cet objectif. Les cursus de formation du personnel soignant dans les hautes écoles spécialisées et dans les écoles supérieures prévoient un enseignement approfondi en ce qui concerne les soins et l'accompagnement de patients en fin de vie. A l'avenir, l'accent sera mis sur l'harmonisation des programmes d'enseignement des professions médicales universitaires et non-universitaires pour assurer une collaboration optimale dans une situation d'accompagnement réelle. Le Conseil fédéral est donc d'avis qu'avec l'introduction de la LPMéd et le nouveau catalogue suisse des objectifs de formation, tous les aspects touchant à l'accompagnement des patients en fin de vie sont pris en compte dans la formation universitaire et postgrade. Ainsi l'exigence de l'auteur de la motion est largement respectée dans la pratique. Il considère que l'objectif de la motion est atteint.


Déclaration du Conseil fédéral (21.05.2008) :

Le Conseil fédéral propose de rejeter la motion


Bulletin officiel - les procès-verbaux


Compétence :

Département de l'intérieur

Cosignataires :

Aubert Josiane - Brélaz Daniel - Fehr Mario - Genner Ruth - Girod Bastien - Hodgers Antonio - John-Calame Francine - Lang Josef - Leuenberger Ueli - Lumengo Ricardo - Nordmann Roger - Pedrina Fabio - Rennwald Jean-Claude - Rielle Jean-Charles - Rossini Stéphane - Roth-Bernasconi Maria - Schelbert Louis - Schenker Silvia - Sommaruga Carlo - Stöckli Hans - Thanei Anita - Thorens Goumaz Adèle - van Singer Christian - Vischer Daniel - Voruz Eric - Zisyadis Josef