Didier Berberat
Conseiller aux Etats

La session de printemps du Conseil des États a indéniablement été marquée par le débat-fleuve au sujet de la politique climatique et de la réduction du CO2.

Il ne me semble pas nécessaire de rappeler l’effet extrêmement néfaste des gaz à effet de serre, notamment du CO2, sur le réchauffement de la planète, tant cette question a pris une importance grandissante dans le débat politique et environnemental.

Après le Conseil national, la Chambre des cantons a débattu d’une révision en profondeur de la loi sur le CO2 en réponse aux initiatives populaires « anti 4x4 » et « climat ». Cette révision législative, qui va marquer la politique climatique des prochaines années, a nécessité des dizaines d’heures de travaux en commission.

Initiative « anti 4x4 »

La première initiative, dont le titre officiel est « Pour des véhicules plus respectueux des personnes », émane des Jeunes Vert-e-s. Le Conseil des États s’est finalement rallié au Conseil national en prévoyant que les nouvelles voitures ne devraient pas émettre plus de 130 grammes de CO2 par kilomètre d’ici la fin 2015, avec un système de sanctions financières pour les importateurs et les constructeurs qui ne respecteraient pas les limites d’émissions. Cette modification législative fera office de contre-projet indirect à l’initiative « anti 4x4 » et il semble qu’elle pourrait convaincre les initiants de la retirer.

Le pas franchi par la Chambre des cantons, que le PS demandait depuis longtemps, est donc important, dans la mesure où il permet d’aller à la rencontre des normes européennes antipollution qui seront en vigueur dès 2012. Rappelons que même si ces valeurs d’émissions sont en diminution, il n’en demeure pas moins que la moyenne du parc automobile suisse, d’après les dernières statistiques, est encore de 175 grammes par kilomètre, alors que la moyenne européenne est déjà de 153. Du chemin reste donc encore à parcourir jusqu’à fin 2015…

Initiative « climat »

Nous avons ensuite abordé la question épineuse du taux de réduction des gaz à effet de serre, dont le CO2, en rapport avec l’initiative populaire « Pour un climat sain ». La loi actuelle, rappelons-le, fixe la réduction à moins 10 % par rapport au niveau de 1990.

À nos yeux, comme à ceux d’un certain nombre d’entreprises responsables, la réduction visée offre à notre pays une chance réelle de développer des technologies créatrices d’emplois et axées sur les économies d’énergie, ainsi que de recourir aux énergies renouvelables – thème faisant l’objet de notre initiative « De nouveaux emplois grâce aux énergies renouvelables » (alias… « Cleantech »).

Après un vif débat, une majorité, emmenée par la gauche avec l’appui de la droite la plus éclairée, a obtenu une baisse de 20 % des émissions en Suisse d’ici à 2020, sans tenir compte des projets financés à l’étranger .Cette décision, combattue bien entendu par l’UDC, a aussi provoqué l’ire d’une grande partie du groupe PDC, qui s’y est opposé en jugeant l’objectif irréalisable. Lors du débat, j’ai relevé que ce parti avait la mémoire courte, car son assemblée des délégués de mars 2007 avait inclus dans son programme une réduction de…

20 % des émissions de CO2. Il est vrai que le PDC était alors très occupé, voire préoccupé, à préparer les élections fédérales et qu’il fait partie des formations politiques estimant que les promesses électorales n’engagent que ceux qui y croient !

Cet objectif ambitieux ne sera toutefois pas indolore. Il faudra, en effet, taxer non seulement les combustibles, ce qui est déjà le cas, mais aussi les carburants jusqu’à CHF 120 la tonne, si l’on prévoit que l’objectif de réduction ne sera pas atteint sans cela. Cette taxation pourrait faire augmenter le litre d’essence au maximum de 28 centimes d’ici à 2020. Il est clair que ce genre de mesure n’est guère populaire, surtout en année électorale. Toutefois, la situation actuelle et les prévisions au sujet du réchauffement climatique et de ses désastreuses conséquences sont très alarmantes ; nous savons que, malheureusement, les mesures volontaires ne suffiront pas. Il nous appartient donc, en tant qu’élus, d’assumer nos responsabilités.

Cette seconde partie de la révision de la loi sur le CO2 constituera un contre-projet indirect à l’initiative populaire « climat », qui demande une réduction de 30 %. Il est pour l’instant difficile de savoir si les initiants accepteront ce compromis déjà ambitieux, mais il est souhaitable que le réalisme l’emporte !

Didier Berberat

vice-président de la Commission de l’environnement, de l’aménagement du territoire et de l’énergie du Conseil des États