Didier Berberat
Conseiller aux Etats

14/03/2009, Hôtel Alpes et Lac à Neuchâtel

Réunion de l'Association suisse des cadres

Conférence : les défis de la Suisse romande

en matière de transports

(seuls les propos prononcés font foi)

1. Introduction, transports sur deux plans

1.1. Bref retour sur la politique des transports

Traiter des défis de la Suisse romande en matière de transports nécessite la mise en contexte d’un sujet large et complexe, dans lequel différents facteurs amènent une influence non négligeable. Il s’agit tout d’abord de dire deux mots de la politique des transports en général, telle qu’elle est menée dans notre pays depuis quelques décennies.

Globalement, on peut dire que la conscience des défis en matière de circulation est réellement apparue dans les années 70. En effet, si le réseau routier a été adopté en 1960 dans l’euphorie de la motorisation individuelle et de la liberté qu’elle concédait, c’est bien une décennie plus tard, en pleine période de constructions autoroutières, que l’on a commencé à déceler les premières failles et limites d’une planification uniquement axée sur le trafic individuel. L’essor économique de l’époque, et les envies d’émancipation d’une population qui devenait mobile, ont vite contribué à la saturation des axes routiers en place, notamment ceux situés sur le plateau. Sont venus se greffer à ce constat d’autres éléments, comme les premières réactions des milieux écologiques qui dénonçaient les nuisances engendrées par ce type de trafic pour l’environnement et pour la qualité de vie des personnes vivant dans les zones à forte densité.

Une conclusion s’impose : la Confédération ne peut pas tout axer sur le trafic motorisé individuel, elle se doit aussi de planifier une rénovation et un développement du secteur des transports publics. C’est d’autant plus intéressant qu’avec l’avènement de l’automobile et la démocratisation de ce moyen de transport, les transports publics étaient devenus les parents pauvres de la mobilité, et les moyens affectés à ce type de mobilité ne cessaient de se réduire. Les constats sur les limites des axes routiers donnèrent donc un second souffle au transport collectif. Tout d’abord dans les agglomérations en elles-même qui, touchées par les nuisances d’un trafic surchargé, se mirent à soutenir de manière plus importante les transports publics urbains. Un souffle qui, pourtant, ne trouva sa concrétisation fédérale qu’en 1987, avec l’acceptation du projet Rail 2000. Un projet ambitieux dont les objectifs étaient les suivants :

Améliorer l’offre voyageurs des chemins de fer suisses dans toutes les régions, avec les mesures suivantes :

Augmenter la capacité des lignes pour le trafic marchandises, notamment pour le transit sur l’axe Bâle - St-Gothard - Milan:

Le but du projet n’était pas d’instaurer les lignes les plus rapides possibles, mais de tabler sur une desserte globale qui, se basant sur des nœuds ferroviaires et en optimisant le système de correspondances, permettrait de couvrir l’ensemble du territoire. Des transports dits « longue distance » malgré la relativité du terme, devaient être complétés d’un réseau RER important. Cependant, et on y reviendra plus loin, le budget initial de rail 2000 ayant littéralement explosé, il a fallu se résoudre à échelonner la concrétisation de ces nouvelles infrastructures.

A noter que les prévisions opérées par le DETEC en matière de trafic ferroviaire permettent de tabler sur une croissance de ce type de trafic de 30 % d’ici 2030. Ces chiffres laissent déjà entrevoir l’insuffisance de l’infrastructure mise en place qui, aujourd’hui déjà, peine à remplir les exigences liées au volume de trafic. C’est pourquoi le parlement a adopté la loi sur le développement de l’infrastructure ferroviaire (ZEB) qui vise à l’amélioration de l’offre ferroviaire sur le plateau suisse, notamment par la diminution du temps de parcours. Mais les mesures ZEB semblent elles aussi insuffisantes pour absorber l’ensemble de la demande d’ici 2030-2040. Ainsi, le Parlement a chargé le DETEC de plancher sur un nouveau projet RAIL 2030. Ce projet, qui portera sur les liaisons entre grandes agglomérations, sur les liaisons internes aux agglomérations et sur le trafic marchandises (appelé à absorber une croissance de l’ordre de 78%) est attendu pour 2010.

Aujourd’hui, c’est donc une double approche coordonnée qui est menée par la Confédération. Si l’aménagement des axes routiers n’a pas été abandonné et continue à se développer, il se fait parallèlement à l’aménagement d’une offre de transports publics qui, dans certains aspects se veut attractive. Quand on parle des défis en matière de transports en Suisse romande, c’est donc bien ces deux pans qu’il faut traiter. Nous verrons cependant que l’un et l’autre ne sont de loin pas finalisés : dans tout projet ambitieux, on se heurte bien souvent au problème du financement, et face aux multiples dépassements, ce sont bien souvent les régions périphériques et le plateau romand en général qui pâtissent des priorités données.

1.2. Financement

Comme tout projet d’envergure, les difficultés résident bien souvent, au moment de la réalisation, dans le financement de celle-ci. L’idée d’un fonds dévolu au développement des transports en général est assez ancienne. La Conception globale suisse des transports (CGST), établie en 1977, préconisait déjà la création de deux fonds affectés, l’un aux transports individuels, l’autre aux transports publics. Aujourd'hui, c’est par le bais de trois fonds communicants que l’on soutient le financement des infrastructures de transport :

1. Il s’agit d’abord du financement spécial pour la circulation routière, dont le but est de financer la construction et l’entretien des routes nationales. Il est alimenté par l’impôt et la surtaxe sur les huiles minérales et la vignette automobile. A noter qu’une partie des recettes de ce fonds alimente les deux autres fonds : FTP et infrastructures.

2. Puis, nous avons le fonds d’infrastructures pour le trafic d’agglomération et le réseau des routes nationales. En vigueur depuis le 1er janvier 2008, son objectif est de financer la coordination des voies de communication dans les agglomérations, l’achèvement et aménagement (notamment suppression des goulets d’étranglement) du réseau de routes nationales existantes et de contribuer au maintien et à l’amélioration des routes principales dans les régions de montagne et les régions périphériques.

Il s’agit d’un fonds temporaire, dont la durée est limitée à 20 ans, et qui devrait être doté, au total, de 20 milliards de francs.

Afin de mieux comprendre l’utilisation de ce fonds, voici la répartition telle qu’elle a été prévue pour les projets de transports :

Ce fonds est alimenté par les recettes de l’impôt sur les huiles minérales et de la vignette autoroutière qui lui sont affectées par le fonds de financement spécial pour la circulation routière.

La première phase de financement servira à achever le réseau des routes nationales ainsi qu’à exécuter des projets de trafic d’agglomération urgents et prêts à être réalisés. Le coût de cette phase se monte à environ 10.5 mia.

Le reste sera bloqué dans un premier temps, puis libéré, par phases successives, par le Parlement, à partir du moment où le Conseil fédéral aura présenté son programme garantissant la fonctionnalité du réseau de routes nationales (suppression goulets d’étranglement et réalisation des projets d’agglomération). A noter que, selon l’art.4 al.2 lit e de la loi sur le fonds d’agglomération, l’utilisation du fonds doit également tenir compte d’une manière appropriée des différentes régions du pays.

3. Finalement, on a le fonds de financement de l’infrastructure de transports publics (FTP), qui finance Rail 2000, les NLFA et le raccordement au réseau européen à grande vitesse (LGV). Il s’agit d’un fonds spécial doté d’environ 30 mia de francs et dont l’utilisation est limitée à 2017. Il est alimenté par une surtaxe de 10 ct./litre sur les carburants, une réaffectation de la taxe poids lourds, une part des droits sur les carburants, ainsi qu’une part d’endettement.

Comme dit plus haut, les coûts de réalisation estimés en 1985 à 5.7 mia de francs ont littéralement explosé lors de l’élaboration des projets de trafic régional, faisant atteindre, selon les projets retenus, des sommes globales de 3 à 5 fois supérieures à celles initialement prévues.

C’est pourquoi un choix d’échelonnement a été opéré et le fonds FTP créé. La première étape de Rail 2000, dont le coût se monte à 7,4 mia (de 1993) de francs a été mise en vigueur entre 2003 et 2005.

A noter qu’il faudra également trouver d’autres sources d’alimentation si l’on souhaite que ce fonds puisse également financer Rail 2030.

2. Reprise des routes nationales par la Confédération

2.1. Genèse et état des lieux

Avant de parler des projets qu’il reste à réaliser en matière d’infrastructures routières, il convient de rappeler que le statut des routes a opéré une mue profonde ces dernières années. En effet, bien que la Confédération participât déjà au financement des routes dites nationales (à 87% en moyenne), ces routes restaient propriété des cantons, qui en étaient les maîtres d’œuvre. Une situation relativement compliquée qui posait notamment des problèmes en termes de compétences. Suite au désenchevêtrèrent des tâches Cantons/Confédération induit par la RPT, la Confédération est donc devenue, dès le 1er janvier 2008, propriétaire des routes nationales. Elle est responsable de leur construction, leur entretien et de leur exploitation. A noter cependant que les cantons sont liés, par un contrat de prestations concernant l’entretien de ces routes. Il faut également relever qu’en ce qui concerne l’achèvement du réseau de routes nationales, les Cantons restent solidairement compétents (un réseau qui compte en tout 1900Km, et dont plus de 90 % sont achevés, fin prévue en 2020). Parmi ceux-ci on peut citer la Transjuranne.

Les priorités en matière d’infrastructures routières misent aujourd’hui sur l’achèvement du réseau et les corrections nécessaires notamment par la suppression des goulets d’étranglement.

2.2. Situation en suisse romande et projets actuels En février dernier, le DETEC a informé qu’environ 2.2 mia de francs seraient dépensés cette année pour la réalisation de nouveaux tronçons de routes nationales (1.2 mia) et pour l’entretien et l’aménagement des anciens tronçons (965 mio). Les cantons suivants en seront les principaux bénéficiaires : Valais 232,7 millions, Berne 229,5 millions, Jura 145 millions, Zurich 144 millions, Obwald 45,6 millions, Grisons 44,3 millions et Neuchâtel 39,3 millions.

Réalisations :

Au niveau des nouveaux tronçons, un tiers du crédit sera utilisé pour l’achèvement du réseau en Suisse romande et au Tessin. Parmi les réalisations 2009, on retrouve :

Aménagements :

Autre chapitre qui nous intéresse également, c’est celui de l’aménagement des tronçons existants, afin de les adapter à l’augmentation de trafic. En tout, c’est 1.185 mia que le Parlement a accordé pour l’aménagement et l’entretien des routes nationales, une somme qui sera prélevée dans le fonds de financement spécial pour la circulation routière. Il y a 403 projets prévus, dont 150 sont en cours d’élaboration. En 2009, 5 projets seront concernés, dont le seul projet romand est celui de la A1 Vaud : Morges - Eclubens . Ce dernier projet est intéressant puisqu’il fera office de projet pilote pour la Suisse. Ce tronçon est aujourd’hui l’un des plus surchargés de Suisse avec une fréquentation moyenne de 82'000 véhicules par jour, et une situation particulièrement problématique aux heures de pointe. Se pose alors la question centrale de savoir si, sur ce type de tronçon, il faut augmenter définitivement la capacité d’absorption du trafic par une augmentation des voies ou s’il faut privilégier le transfert modal, notamment au sein de l’agglomération lausannoise (à noter qu’il s’agit là clairement d’un plan repris au sein du projet d’agglomération Lausanne-Morges, PALM). Mais cela amène aussi à un autre réflexion sur le trafic longue distance entre Lausanne et Genève, et donc la fameuse troisième voie dont nous parlerons tout à l’heure. Afin donc de privilégier le transfert modal, mais en tenant compte de l’urgence du problème, c’est la solution transitoire qui a été adoptée pour le tronçon Morges-Ecublens, à savoir l’utilisation aux heures de pointe de la bande d’arrêt d’urgence aménagée. Une solution qui nécessitera 8 mois de travaux et qui devrait entrer en vigueur début 2010. Mais comme déjà dit, cela ne peut être qu’une solution transitoire, et non une solution amenée à durer.

Goulets d’étranglement :

Autre problème récurrent dans nos routes, celui des goulets d’étranglement. Selon le rapport mis en consultation par le DETEC à ce sujet, celui-ci prévoit que d’ici 2020 ce seront 400 km de routes qui seront surchargés dont 81 km d’une très forte surcharge. Les besoins estimés pour supprimer ces goulets d’étranglement s’élèvent à 15 mia, or seuls 5,5 mia de francs sont à disposition pour cette partie des aménagements (voir 1.2. 2. financement). Du coup, le Conseil fédéral nous propose une priorisation des projets en les classant par 4 modules :

1. Les projets urgents, qui seraient aptes à éliminer les goulets les plus sérieux. Il s’agit là de projets avancés qui devraient arriver au stade de la réalisation dans les 4 ans à venir. Le Conseil fédéral propose au Parlement d’accepter directement les projets de ce module pour pouvoir les réaliser.

2. Des projets, qui sont jugés bons et relativement urgents, mais qui nécessitent une étude approfondie dans les années à venir.

3. idem, mais avec un degré d’urgence un peu moins grand que les précédents.

4. Les projets du module 4 sont abandonnés.

Pour l’instant, dans la planification financière actuelle, seuls les projets des modules 1 et 2 sont financés par les 5.5 mia affectés à ces réalisations. Les projets du module 3 ne sont pas abandonnés mais n’ont pour l’heure aucune garantie de financement. A noter qu’au fil des études, les projets du module 3 pourront venir remplacer ceux du module 2 (retour au Parlement 4 ans après l’acceptation du premier message).

Il est intéressant ensuite de voir ce qui se trouve dans le programme de suppression. En effet, parmi les éléments pris en compte dans la priorisation se trouvent l’importance des agglomérations : une priorité étant donnée aux grandes agglomérations, c’est à dire les axes Berne – Zürich et Genève- Lausanne. Cela débouche sur la planification suivante : Pour le module 1 (les projets réalisables dans les 4 ans) :

1 projet dans l’agglomération zurichoise (à 1.2 mia, contournement nord), élargissement des tronçons Härkingen-Wiggertal (SO-AG) et Blegi-Rütihof (Zoug), et finalement un projet tout de même en suisse romande, le goulet d’étranglement de Crissier (80 mio).

Note : il est intéressant de constater que le seul projet romand représente seulement 5 % du projet global pour le module 1, les 95 % restant finançant les 3 projets du plateau alémanique.

Pour le module 2 ( projets en principe financés avec les 5.5 mia, mais dans une seconde phase) :

3 projets dans l’agglomération bernoise, 2 projets dans l’agglomération zurichoise, 1 concernant l’agglomération bâloise et un autre dans le Canton de Soleure. Là aussi ne figure qu’un seul projet romand, pourtant reconnu comme ayant un risque de surcharge maximale d’ici 2020 : Le Vengeron-Coppet dans le Canton de Genève.

Note : si on totalise donc la part des projets romands dans les modules 1 et 2 dont le financement est censé être garanti, on arrive à 4.6 % de l’ensemble des projets, face à 95 % des projets sur le plateau alémanique central. Pour les modules 3 et 4 :

C’est dans ces modules que l’on trouve le plus grand nombre de projets romands… Ceux qui se trouvent dans le module 3 concernent l’agglomération genevoise (Perly - Meyrin, Meyrin- Le Vengeron et Coppet - Nyon) quant à Nyon - Morges ouest, l’élargissement de Villars-St-Croix – Cossonay et Villars-St-Croix - Montreux, ceux-ci ont été abandonnés.

En plus de ces projets, il existe deux réalisations qui ont été considérées comme urgentes par le Conseil fédéral, mais qui, selon lui, ne pourraient pas être financées par le Fonds d’infrastructures : il s’agit du contournement Morges - Lausanne, et de la nouvelle autoroute du Glattal (Zürich) ou l’on propose de nouvelles réalisations mais financées par le fonds spécial pour la circulation routière.

2.3. Problèmes restants Si l’Arc lémanique souffre, malgré l’urgence des travaux, de la concurrence avec d’autres régions plus centrales, on remarque que, dans ces différents projets il n’est absolument pas fait mention d’autres projets concernant des régions dites « périphériques ». Rappelons ici un combat de longue haleine qui est celui de la reconnaissance de la H20 comme route nationale, et les projets de contournement du Locle et de La Chaux-de-Fonds. Il convient de rappeler qu’il s’agit d’un axe important, nous liant à la France voisine, que près de 20'000 véhicules transitent entre Neuchâtel et Le Locle et qu’en comparaison avec d’autres liaisons de l’Arc jurassien qui sont devenues nationales (Bienne - Boncourt 13'800 véhicules/jour et Delémont - Porrentruy 10'400 véhicules/jour), il s’agit bien de l’axe le plus important de la région. Une situation qui devrait se normaliser puisqu’elle devrait enfin être reconnue en 2009.

3. Les transports en commun et réseau ferroviaire

3.1 Etat des lieux en Suisse romande Comme déjà évoqué, la réflexion du réseau ferroviaire est menée de pair avec celle du réseau routier. Dans le chapitre lié à l’historique et au financement, il a déjà été fait état des différentes planifications en matière de transports publics : Rail 2000/2030, ZEB et programme liés aux infrastructures d’agglomération. Lors de la session des chambres d’hiver 2008, le Conseil national a refusé une proposition émanant de la minorité de la Commission des transports qui consistait à mettre en priorité , dans le projet ZEB 2 pour lequel le Conseil fédéral doit faire le tri d’ici 2010, un certain nombre de projets qui ont été retirés du projet ZEB 1, à cause du manque de financement, mais dont l’urgence reste avérée.

Parmi ces projets, qui ont déjà trop attendu : la troisième voie entre Lausanne et Genève, le tunnel de Gléresse entre Bienne et Neuchâtel, les tronçons Siviriez - Villars-sur-Glâne et Bienne – Delémont - Delle et la double voie du Lötschberg.

Note : parmi les 22 projets définitifs ZEB 1, on retrouve 4 projets concernant la Suisse romande : les axes Lausanne –Brigue – Simplon - Iselle, Lausanne – Bienne - Olten, Lausanne - Berne, Bienne – Delémont - Bâle. Il est également intéressant d’apprendre que seuls 20 % des projets de Rail 2000 2ème étape concernent les Cantons romands, alors que ceux-ci regroupent 37% de la population suisse et occupent 45% du territoire.

3.2 Les projets :

Goulet d’étranglement de Gléresse Le problème du goulet d’étranglement ferroviaire de Gléresse, comme d’autres des dossiers évoqués plus haut, est relativement ancien, et occupe l’énergie de l’Association Seeland-Biel-bienne ainsi que les parlementaires romands depuis un certain temps, et parfois avec une certaine lassitude.

La problématique est la suivante : à hauteur de Gléresse/Ligerz, la ligne CFF du pied du Jura se resserre sur une seule voie sur 1.8 km, une voie unique de transit sur laquelle passent 250 trains par jour : régionaux, Intercity et de transports de marchandises. Quasiment tous les trains de marchandises reliant Lausanne à Zürich passent par ce tronçon. Selon l’association « Le tronçon Bienne-Neuchâtel est d’ores et déjà surchargé: pourtant nécessaires, les cadences à la demi-heure des trains ICN des grandes lignes de Zurich/Bâle via Bienne en direction de la Suisse romande, ne peuvent pas être appliquées sans prétériter les offres de trains régionaux actuelles. La demande de la cadence à la demi-heure des trains régionaux est impossible à tenir ».

Une situation intenable, pour laquelle un projet ayant remporté l’aval de l’ensemble des partenaires concernés (Cantons, Communes, associations de protection de l’environnement et CFF) existe depuis 2004. Il s’agit de la construction d’un tunnel ferroviaire à 2 voies et dont le coût est devisé à 150-200 mio selon les variantes. Mais voilà, comme dit plus haut, le projet rail 2000 et les NLFA ont souffert de nombreux dépassements de budget, et afin de pallier notamment aux dépassements du tunnel du Gothard, la Confédération a décidé d’échelonner les priorités notamment au détriment du projet de Gléresse, qui a été relégué dans le plan ZEB 2, alors que son urgence reste avérée. Dès lors qu’il n’a pas été retenu comme projet prioritaire ZEB 2, il faudra attendre le plan du Conseil fédéral, qu’il est chargé de présenter d’ici 2010. S’il y figure en bonne position, on pourrait espérer une réalisation aux alentours de 2020. En attendant, le goulet d’étranglement subsistera. Il est donc important de faire pression afin que le message qui sera présenté à l’horizon 2010 reprenne cette question en priorité.

Troisième voie Genève - Lausanne Voilà aussi un dossier qui ne cesse de faire couler de l’encre, et qui, comme le projet de Gléresse, a subi le renvoi en ZEB 2 : la troisième voie ferroviaire entre Genève et Lausanne, ou plutôt une partie de cette troisième voie, car en réalité l’enjeu actuel ne se trouve pas dans la réalisation d’une troisième voie complète reliant les 2 agglomérations.

En effet, le tronçon Coppet - Genève est déjà en service depuis 2004, financé, lui, par la première étape de Rail 2000. Le tronçon concerné par le combat qui sera mené dans le ZEB 2, sera celui qui se situe entre Renens et Allaman, 17 km en tout devisés à 450 millions. Une réalisation qui, comme le tunnel de Gléresse, n’est pas gagnée d’avance puisqu’elle est en concurrence avec d’autres projets alémaniques. L’unique objectif qui serait atteint par la création de ce tronçon, c’est l’augmentation des cadences aux heures de pointe. Mais ce ne sera pas suffisant. Restera ensuite à régler le tronçon Perroy - Coppet, mais là, il s’agit d’un combat que d’aucuns, parmi les deux cantons concernés, considèrent utopique pour l’instant. C’est plutôt interpellant sur le poids des cantons romands et leur capacité à faire entendre leur voix, surtout quand on sait que ce tronçon, jugé utopique et reporté aux calendes grecques, comporte un risque de saturation très important à moyen terme. Il faut noter qu’entre Lausanne et Genève, la croissance des voyageurs entre 1998 et 2005 a été de 55 %, selon les projections du canton et des CFF, cette augmentation pourrait passer de 80% à 100% d’ici à 2020.

Et alors que cette 3ème voie n’est pas encore réalisée, ni même garantie du point de vue du financement, c’est sur une 4ème voie que planchent les autorités de l’Arc lémanique, seule solution pour que la cadence de l’ensemble du réseau (régionaux, intercity) puisse passer au quart d’heure et désengorger les trains les rendant ainsi plus attractifs et constituant une réelle solution permettant également de pallier à l’engorgement du tronçon routier entre les deux mêmes agglomérations. Une 4ème voie qui serait devisée à 1.5 mia, et qu’il n’est même pas prévu de présenter dans la phase ZEB 2.

Les besoins chiffrés par les cantons romands en matière d’infrastructures ferroviaires se montent en tout entre 2 et 2.5 mia de francs. Ce chiffre comprend notamment les projets de Gléresse, la 3ème voie ainsi que le doublement de la voie du Lötschberg.

Actuellement, il est important que les cantons romands se mobilisent. L’Arc lémanique a un fort potentiel de développement qui le rend tout à fait comparable à la région zurichoise, cependant la Suisse romande ce n’est pas uniquement l’Arc lémanique, et si l’on souhaite un développement harmonieux, c’est un front commun qui doit être mené pour la réalisation de projets romands qui, au demeurant, se complètent.

A noter que certaines voix s’élèvent également au sein du canton de Vaud pour demander à ce que l’Etat prenne exemple sur l’audace zurichoise qui a lancé le projet de son S-Bahn et en a financé la première partie, ce qui a ensuite engendré un financement de la Confédération, quasiment sur une tactique de « fait accompli ».

Aujourd’hui, un train régional arrive en gare de Zürich toutes les minutes.

Transrun Le dernier défi dont on va parler ici, est un défi particulièrement important pour le Canton de Neuchâtel puisqu’il s’agit du Transrun.

Le Transrun c’est :

La réalisation d’une liaison rapide entre Neuchâtel – La Chaux-de-Fonds - Le Locle, une liaison qui constituerait la colonne vertébrale des transports en commun dans le Canton de Neuchâtel. Il faut savoir qu’aujourd’hui, malgré les 15 km qui séparent le chef-lieu de la Métropole horlogère, le trajet en train le plus direct dure lui 29 minutes, 39 minutes pour le régional. La faute à une ligne obsolète, vieille de 150 ans, à un matériel roulant peu adéquat, mais aussi au fameux rebroussement de Chambrelien qui constitue un détour considérable sur ce trajet. A noter que, de par son état actuel, cette ligne devra de toute manière subir des travaux importants si l’on souhaite continuer à l’exploiter (90 à 150 mio). Un ensemble d’éléments rendent cette liaison ferroviaire peu attractive. Les chiffres sont là pour en attester : sur 27'000 pendulaires qui transitent quotidiennement sur l’axe Neuchâtel- Le Locle :

A noter qu’avant l’ouverture des tunnels de la Vue des Alpes en 1994, 4000 personnes prenaient le train, ce qui représentait 25 % du trafic pendulaire de l’époque. Aujourd’hui, avec l’augmentation de ce trafic pendulaire et la diminution parallèle des pendulaires prenant le train, cette portion est descendue à 11 % (voir aussi tableau pendularité).

Il faut savoir que l’enjeu est important puisque les prévisions pour 2020-2025 annoncent entre 40-45'000 personnes qui seront amenées à passer la Vue des Alpes, une pendularité doublé en somme. Les solutions qui s’esquissent :

Le projet TRANSRUN, c’est le passage à une ligne directe, en grande partie enterrée, avec un seul arrêt intermédiaire à Cernier, et dont le temps de parcours serait réduit de 29 minutes à 12 minutes et une cadence au quart d’heure, rapprochant ainsi les pôles du canton, mais aussi l’ensemble des régions. Car, le TRANSRUN ce n’est pas seulement la ligne transversale Haut/Bas, mais c’est également un projet complet dit en « H » (voir carte) et qui devrait rapprocher, pour autant que l’on y mette l’énergie et les moyens nécessaires, également les temps de parcours sur le Val-de-Travers, le littoral est-ouest, et les liaisons hors canton notamment vers Besançon et, dans l’autre sens vers Delémont/Bâle et Bienne, liaisons dont nous reparlerons. Un projet ambitieux qui, selon les études menées, pourrait s’élever à 550 mio de francs, mais un projet nécessaire si on compte, une fois pour toutes, rapprocher le poumon économique de l’Arc jurassien du reste du plateau.

L’objectif : que cette nouvelle ligne puisse absorber, d’ici 2020, 15'000 voyageurs pendulaires, c’est-à-dire 33 % de la pendularité globale prévue à cette période.

Mais parler du TRANSRUN, c’est aussi parler du projet global d’agglomération qui occupera l’avenir du Canton de Neuchâtel, et dont le but est d’augmenter les collaborations entre ses collectivités afin d’être plus efficient, c’est-à-dire le projet de Réseau Urbain Neuchâtelois. C’est précisément par le biais du RUN que le Canton de Neuchâtel souhaite dégager un financement pour le TRANRUN, car le TRANSRUN c’est un des éléments clé du rapprochement entre ces collectivités.

Le projet RUN a été déposé sur la table de la confédération aux côtés de 22 autres projets émanant de l’ensemble du pays, dans le cadre du financement par le fonds d’infrastructures pour le trafic d’agglomération , et ce pour une manne totale de 6 mia, dont 3.5 ont déjà été affectés… autant dire que ce n’est pas forcément gagné d’avance. Malgré tout, la qualité du rapport et l’évidence du besoin pour l’ensemble de la région à contribué à ce que, dans son rapport du 12 décembre 2008, la Confédération donne un préavis de financement de ce projet à la hauteur de 35 %. Un préavis qui devra ensuite passer l’épreuve du parlement. Là encore, un enjeu considérable pour l’ensemble de l’arc jurassien et donc pour la Suisse romande implique que les romands devront également faire front commun.

Subsiste le problème du temps : les retards accumulés dans ce dossier et dans l’étude d’une solution réaliste nous font aujourd’hui nous retrouver dans une situation critique. Dans le meilleur des cas, la confédération débloquera la première partie du financement en 2010-2011, la seconde en 2015, c’est très long, et il serait nécessaire de commencer les études déjà demain afin d’avoir un TRANRUN au plus vite et de pallier à ces augmentations de pendularité. Pour cela, il faut que le canton soit dynamique et les différentes solutions étudiées.

En attendant, une solution temporaire pourrait venir de l’amélioration du matériel roulant, particulièrement vétuste pour ce qui est des liaisons qui mènent aux Montagnes neuchâteloises que ce soit par Bienne ou Neuchâtel. Les liaisons, justement, qui réunissent les deux pôles horlogers que sont Les Montagnes et Bienne, ainsi que l’axe menant à Bâle par Delémont, voilà autant de défis qui ne seront pas directement réglés par le TRANSRUN, mais qui doivent trouver une solution, également en terme de cadence horaires.

La ligne Neuchâtel-La Chaux-de-Fonds-Besançon mérite également une attention particulière : la pendularité importante venant de France voisine, comme la création du nœud ferroviaire européen qui passera par Besançon sont deux éléments non négligeables. Une amélioration de cette ligne permettrait de replacer l’arc jurassien au centre de l’Europe, ce qui n’est pas négligeable pour le poumon exportateur de l’économie helvétique. Cela nécessite des investissements, ne serait-ce que pour rééquilibrer les infrastructures qui se trouvent de ce côté –ci de la frontière, par rapport aux infrastructures qui se trouvent de l’autre côté.

4. Conclusions : les difficultés des cantons romands à faire entendre leur voix

Ces différents exemples montrent que s’il y a pléthore de projets urgents en Romandie, il n’est pas toujours évident de faire entendre sa voix. Pourtant, la Suisse occidentale se trouve au centre de l’Europe et proche des nœuds d’échange de l’Union européenne. Face aux projets alémaniques, plus particulièrement situés dans l’agglomération zurichoise ou bernoise, il est important de faire front commun, front politique entre les différents cantons concernés, mais aussi front des milieux économiques et civils qui dépendent directement de ces infrastructures.